Haïssez-vous les uns les autres ?

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Table des matières

Aujourd'hui, j’aimerais aborder un sujet sensible, mais ô combien partagé par le plus grand nombre de mes semblables : la haine de soi.


Peut-être trouvez-vous le mot « haine » un peu fort, cependant, force est de constater que nous sommes les premiers (et les meilleurs) soutiens pour autrui, mais les derniers (et les pires) pour soi.


C’est qu’il subsiste en nous un soupçon de « haine » dans la mesure où nous ne prenons pas tant soin que ça de nous.

Il faut que cela s’arrête. La personne avec laquelle nous allons passer le plus clair de notre temps, c’est nous-mêmes. Alors autant devenir notre meilleur allié. Notre meilleur ami.


Dans ce cours, vous verrez que l’origine de la haine de soi remonte à bien plus longtemps que votre enfance. Vous comprendrez ensuite que cette haine s’immisce dans votre vie de manière insidieuse, tel un champignon mortel dans un arbre vaillant.


Enfin, je vous proposerai une tout autre perception du monde comme invitation à l’amour de soi.


C’est parti !

Les 2 origines de la haine de soi

La haine de soi est un phénomène complexe pour lequel je vois deux origines possibles. La première vient de l'évolution du néocortex et de la conscience de soi. L'évolution de notre cerveau, en particulier le développement du néocortex, a marqué un tournant dans la manière dont les êtres humains expérimentent le monde et eux-mêmes.


Le néocortex est responsable de nos fonctions cognitives plus avancées telles que le raisonnement, la planification et la réflexion. Cela nous a dotés de la capacité de penser à long terme et d'analyser nos propres pensées et actions. Le revers de la médaille est la souffrance psychologique que ne partagent pas les autres animaux (du moins, à ma connaissance).


Les animaux non humains, bien qu'intelligents et capables d'émotions, ne possèdent pas le même degré de conscience de soi. Ne voyez aucune supériorité de l’humain sur les animaux non humains ; je parle simplement de différence de constitution.


Je ne pense pas que Jacob se regarde dans le miroir et critique ces rayures qui ne sont pas très symétriques. Un koala n’a jamais voulu refaire son nez. Les oies ne jugent pas les us et coutumes des poules. Pas parce qu’ils ne veulent pas, mais parce qu’ils ne le peuvent pas. Leur cerveau n'est pas structuré de manière à supporter ce type de réflexion.


En revanche, les humains, avec leur néocortex, en sont capables. Nous pouvons nous comparer aux autres, nous juger, ainsi qu’autrui et vouloir atteindre des idéaux.


Ainsi, la première origine est biologique, le fruit de l’évolution. Ce qui prit une autre forme contingente au fur et à mesure du temps avec la naissance du dualisme. Le dualisme, c’est l'idée que l'esprit et le corps sont deux substances différentes et hiérarchiquement inégales.


On retrouve ses racines dans la philosophie antique, notamment chez Platon. Platon affirmait que l'âme était immortelle et rationnelle, qu’elle était supérieure au corps, mortel et source de désirs bas. Cette perspective a eu une influence considérable sur la pensée occidentale, en particulier à travers sa reprise et son adaptation par les doctrines chrétiennes.


Dans la tradition judéo-chrétienne, on considère que l'âme est éternelle et doit être préservée pure contre les corruptions du corps afin d’assurer le salut.


D’où une certaine méfiance envers le corps et ses désirs, perçus comme inférieurs et potentiellement dangereux pour l’âme. La haine de soi peut émerger de ce conflit interne, où les individus ressentent de la culpabilité et du mépris envers leurs propres désirs corporels et leurs imperfections, contrastant avec une quête souvent inatteignable de pureté de l'âme.


Des milliers d’années plus tard, même combat.

L'héritage contemporain

Cette dichotomie dans nos sociétés contemporaines, notamment en Europe occidentale, où le dualisme corps-esprit a profondément influencé les normes sociales et religieuses, est palpable.


Des notions comme « être productif », « réussir sa vie », « être positif tout le temps », « manger 5 fruits et légumes par jour », « être un parent parfait », « obéir au politiquement correct », « réussir ses vacances », transpire l’idéalisme platonicien : la valorisation de l'esprit au détriment du corps et l'idéal sur le réel.


L’impossibilité de correspondre à cette idée de ce que doit être un individu engendre de la culpabilité et peut se transformer en haine de soi si on internalise ces valeurs comme des vérités absolues.


La rencontre entre la complexité de notre condition humaine et l’inatteignable idéalisme engendre des sentiments de non-adéquation, de honte et de non-appartenance.


« Je n’arrive pas à obéir aux idées, parce que mon corps n’est qu’un corps, quel nul je suis, je me hais secrètement. »

Aussi, la valorisation excessive du succès matériel et professionnel, typique des sociétés occidentales modernes, contribue également à la haine de soi.


Si vous avez 30 ans, êtes célibataire, locataire et que vous cherchez votre voie, vous ne répondez pas aux critères de réussite. Vous pouvez vous sentir en retard, moins bien que les autres et la société vous le fera sentir.


On stigmatise l'échec et l'obsession de la perfection pour rentrer dans des cases. Cependant, bien que la haine de soi soit un produit de facteurs historiques et culturels, vous et moi avons la responsabilité — au sens de "respondere", c'est-à-dire de répondre — de la manière dont on gère et réagit à ces sentiments.


Cela implique de reconnaître les influences externes tout en travaillant activement à construire une relation plus saine et plus compatissante avec soi-même. Ce n’est pas un dogme ni un idéal, mais une invitation.


Peut-être que vous vous dites : « Ouais, Simon exagère, je n’ai pas l’impression de me haïr. » En soi, vous auriez raison. J’utilise volontairement le terme « haine » en référence à Pascal lorsqu’il parle du « moi haïssable ». Mais surtout parce que, sur le long terme, de petits signes anodins comme :


- Se dire des choses tel que « Je suis vraiment idiot » ou « Comment ai-je pu faire une erreur aussi stupide ? » après des erreurs dont on s’en fiche éperdument comme faire trop cuire des pâtes.


- Persister dans un travail qui ne procure aucune satisfaction ou croissance personnelle, alors que vous rêvez d’entreprendre sur Internet et d’être libre.


- Manger équilibré, faire de l’exercice physique régulièrement et respecter votre sommeil.


- Saboter inconsciemment vos réussites ou vos relations parce que vous ne vous sentez pas dignes de bonheur ou de succès.


- Recevoir des compliments ou des gestes de gentillesse tout en vous sentant mal à l'aise, emplis de doute sur leur légitimité ou même les rejeter.


Sont des signes classiques de haine de soi.


Si vous repériez cela chez une personne que vous aimez profondément, vous aimeriez qu’elle s’accepte et fasse preuve d’indulgence envers elle-même ? Qu’elle s’apprécie à sa juste valeur ?


Pourquoi en serait-il autrement pour vous-même ? Si vous vous reconnaissez dans ce que je viens de décrire, je vous invite à suivre une thérapie, vous engager dans l'auto-réflexion par de l’écriture quotidienne, vous faire coacher, ou encore, pratiquer des activités qui renforcent l'estime de soi.


(Personnellement, j’ai fait tout ça en même temps et ça m’a transformé).


Cela dit, j’ai une invitation un peu plus saugrenue à vous proposer.

Embrasser le cosmos pour s'apprécier

Depuis le début de ce cours, je vous parle essentiellement du dualisme, la séparation de l’âme et du corps, le monde intelligible et celui des idées.


Mais il existe une autre vision du monde, dont les prémisses se trouvent chez Démocrite : le matérialisme.


La légende raconte que Démocrite eut l’intuition de l’atome en voyant de la poussière voleter dans un rayon de lumière. Littéralement, atome veut dire insécable, ce qu’on ne peut pas séparer.


Par exemple, je peux couper une pomme en deux parts égales, puis séparer cette moitié, puis la moitié de la moitié, etc. J’arriverai immanquablement à quelque chose impossible à séparer : un atome.


La tradition matérialiste se poursuit avec Épicure, dont vous avez sûrement entendu parler au lycée avec la classification des désirs ou le tétrapharmakon, et la fameuse lettre à Ménécée.


Son influence se poursuivra avec Lucrèce, Philodème de Gadara, Diogène d’Oenoanda, jusqu’à Michel Onfray et André Comte-Sponville qui s’en réclament aujourd’hui.


Épicure propose une vision matérialiste de l'existence. Pour lui, tout est composé d'atomes, y compris l'âme, le corps et les dieux. Une telle conception du monde et de l’univers élimine toute hiérarchie entre l’âme et le corps, étant donné que tout n’est que matière.


De même que dans un gâteau, on peut préférer un ingrédient plutôt qu’un autre, mais il n’aurait pas de sens de dire que « l’eau est par essence supérieure aux œufs ». Même chose ici, l’âme n’est pas supérieure au corps et vice versa.


Ainsi, selon cette perspective, la souffrance et le plaisir sont des phénomènes naturels régis par les interactions atomiques ou neurochimiques.


En l’absence de dualisme, il est plus aisé d’accepter nos propres imperfections et limites, dans la mesure où notre être est unifié et non divisé (déchiré serait plus exact).


Votre corps et votre esprit ne font qu’un. Vous pouvez les harmoniser, parce que chaque aspect de votre être répond aux mêmes lois universelles qui régissent le cosmos. Vous passez de la critique de soi à l’interrogation de votre place dans l’univers.


On passe du dualisme transcendantal, platonicien et judéo-chrétien, à un monisme, matérialiste et immanent (on retrouve cela de manière plus prononcée chez Spinoza).


C’est pourquoi je vous invite à renouer avec votre corps. À le connaître, le comprendre et l’apprécier, parce qu’il est le moyen de communiquer avec l’univers. Parce que vous êtes une partie de l’univers. Infime, mais une partie tout de même.


Je sais, ça paraît perché, mais sans votre corps, vous ne pourriez ressentir la fraîcheur de l’automne, la chaleur du soleil sur votre peau, l’étreinte réconfortante de l’être aimé.


Renouer avec son corps passe nécessairement par une hygiène de vie, ne serait-ce qu’avec ce que j’appelle le S.A.S. (sommeil, alimentation, sport) afin d’être capable de persévérer dans votre être.


Pour votre esprit (toujours matérialisme), je préconise la lecture, l’écriture et la consommation de contenu qui vous fait grandir.


Inutile d’être trop strict, la vie vous rappellera à l’ordre, mais visez l’équilibre. Appelons cette démarche une diététique existentielle.


Alors, vous pourrez jouir de ce qu’Épicure appelle « le pur plaisir d’exister ».

Conclusion et exercices

Dans le cours précédent, je vous invitais à soigner votre langage, parce qu’il est créateur de réalité individuelle et collective (je remercie d’ailleurs toutes les personnes qui sont passées à l’action en rejoignant la formation Emovere).


Dans le cours d’aujourd’hui, j’ai voulu donner une perspective physiologique et historique à la haine de soi. Je pense qu’en comprenant l’origine de nos maux, on est plus à même d’agir dessus, mais surtout, nous sommes moins durs avec nous-mêmes.


De la même manière, si vous avez l’appendicite, il est inutile de culpabiliser. Vous n’avez pas choisi de naître avec l’appendice. Vous n’avez pas choisi de naître avec votre néocortex, ni d’être dans une société qui cultive la culpabilisation.


En fait, vous n’avez pas choisi de naître du tout.


Maintenant que c’est fait, souvenez-vous que la personne avec laquelle vous allez passer le plus de temps, c’est vous-même. Alors autant devenir son meilleur ami.


Place à la pratique.


Exercice 1 : Soigner son langage


Je vous renvoie à l’exercice du cours de philo pratique #24. (cf. PP#24)

Notez une pensée négative que vous avez eue récemment. Par exemple, "Je suis nulle à ch**er en maths". Reformulez en disant "Je ne suis pas bon en maths POUR LE MOMENT". Répétez cet exercice avec différentes pensées tout au long de la semaine.


Exercice 2 : “Parce que je m’aime”.


Faites une liste de 5 engagements que vous vous faites envers vous-même. Énoncez-les en commençant par “parce que je m’aime". Par exemple, “parce que je m’aime, je vais faire 30 minutes de sport par semaine”. Vous pouvez me les partager en répondant à ce mail.


Exercice 3 : Changer


Si vous n’appréciez pas votre situation personnelle, professionnelle, ou les deux, en gros, si vous n’appréciez pas votre vie, reconnectez-vous à votre responsabilité. Vous avez la possibilité de changer et par amour pour vous-même, vous devez changer.


Inutile de tout changer d'un coup. Avec les personnes que j’accompagne, nous faisons cela progressivement. Mais c’est ainsi qu’en l’espace de seulement 6 mois, ils passent de “gestionnaire de paie chez Conforama” à “photographe animalier”. Ils choisissent leurs horaires et vivent selon leurs règles.


Ce n’est pas une obligation, mais une invitation.


J’espère que ce cours vous a plu, si c’est le cas faites le mois savoir en répondant à ce mail ou en m’envoyant un message sur LinkedIn ou Instagram.


Ça me fait toujours plaisir et ça m’aide d’avoir vos feedbacks (puis j’aime bien discuter avec vous, tout simplement).

Sur ce je vous laisse,


Bon futur !


© www.ecoledelavoie.com